lundi 15 juin 2009

quelques rappels sur l'histoire

- se rappeler que l'histoire en tant que discipline, malgré d'antiques précurseurs, apparaît vraiment au XIXème siècle, et pas par hasard à cette époque : l'histoire suppose une certaine notion de progrès humain et en tous les cas un rapport au temps spécifique : les Grecs de l'Antiquité appréhendent le temps comme un cycle et une usure perpétuels qui s'accommodent mal de cette linéarité que suppose la dimension historique. Le XIXème siècle est aussi le siècle du positivisme (déf. à aller chercher), de la croyance à la toute-puissance du savoir et de la raison humains.
- se rappeler que nous avons traité de l'histoire avec Marx, cf. pour les Tl notion de matérialisme historique à opposer à la conception dite "idéaliste" de l'histoire selon Hegel. Dans ce contexte, se rappeler que l'histoire est, pour Marx, une construction idéologique de la classe dominante, et une auto-légitimation de cette domination sous le couvert du caractère scientifique de la discipline - le concept d'"universalité" porte l'empreinte de la domination bourgeoise selon Marx.
- se rappeler justement ce qui a été dit de l'histoire avec Hegel : la réalisation de l'histoire comme auto-transparence de l'Esprit ou travail de conscience de soi de Dieu à travers des civilisations successives, avec la "ruse de la raison" notamment et avec pour fin l'accomplissement de la liberté humaine.
- quelques rappels à intégrer de la conception nietzschéenne de l'histoire, dans Seconde considération inactuelle par exemple : il y a un degré d'insomnie historique qui empêche l'être vivant de se développer normalement, "être vivant" renvoyant en l'occurrence non seulement à l'individu mais à la culture elle-même. Autrement dit, selon Nietzsche, nous souffrons d'une trop grande pesanteur du souvenir historique, il faut être capable d'oubli, de ce même oubli dont fait preuve le "grand homme" (à opposer à celui de Hegel) quand il agit sur l'histoire, loin de se référer à un passé conçu sur le seul mode de la connaissance. Pour Nietzsche contrairement à Hegel, le fondement du phénomène historique n'est pas la connaissance mais la vie avec ce qu'elle suppose de passion et surtout de critères qui ne sont pas ceux de la connaissane ni de la morale commune. La vie est à elle-même son propre critère, elle constitue sa propre auto-évaluation, et notre rapport à l'histoire se doit de ne se référer qu'à elle, au respect de son expansion, pour être un rapport adéquat. Nieztsche s'oppose donc ici à une approche de l'histoire qui ne se décline que sur le point de vue de l'historien, de la connaissance : il peut être utile de condamner le passé, de le vouer à l'oubli, pour les besoins de la vie, ou de l'action future.
Chez Nietzsche, aussi, cette idée, reprise par Foucault, notamment, d'une "généalogie" à opposer à l'histoire officielle : la généalogie repérerait ce qui se cache sous la version officielle des faits - qui tend tjs à faire le récit des puissants, des riches, à explorer les domaines de culture "nobles", etc. - pour expliquer justement l'avènement de cette histoire officielle, la désamorcer, donner la voix à ce(ux) qu'on n'entend jamais, ex. à prendre du côté de Foucault avec ses ouvrages sur la folie, l'apparition du système pénitentiaire, l'histoire de la sexualité, etc.
- rappels de quelques idées du philosophe italien contemporain Gianni Vattimo dans La Société transparente : Gianni Vattimo dit que l'idée d'histoire universelle de Hegel peut aujourd'hui être réalisée par le moyen des mass-media (journaux, émissions télévisées, etc.) qui peuvent aller instantanément là et partout où se fait l'histoire, mais, justement, cette multiplication des points de vue sur le réel aboutit à l'explosion de la notion même de point de vue : pour être capable de faire l'histoire, il faut posséder un point de vue déterminé sur les événements, les acteurs de ces événements, etc. ; avec la multiplication des moyens d'information l'idée même d'une réalité devient problématique, et la nécessité de repérer une ligne d'événéments, ce qui est important (historique), ce qui ne l'est pas, devient difficile pour qui voudrait tenter l'histoire récente de nos sociétés même si subsistent quelques événements dont l'importance historique ne fait pas de doute (chute du mur de Berlin, 11 septembre...), encore cette importance doit-elle être précisément évaluée.
- idées intéressantes enfin de Paul Veyne, historien contemporain, dans Comment on écrit l'histoire. L'histoire n'est pas une science dure, une science exacte, elle est rangée dans les sciences humaines (dites "molles"), car elle n'a pas pour but de mettre au jour des lois invariables, des répétitions ou des conjonctions nécessaires de faits, ce qui est logique, puisque, par définition, elle a pour enjeu de comprendre l'action de sujets humains libres. L'histoire est cette discipline qui travaille davantage sur le possible : autour de chaque action historique, il y a d'autres possibilités que l'action en question eût pu emprunter mais qu'elle n'a pas empruntées en définitive, possibilités qui renvoient à cette liberté du sujet humain jamais complètement prévisible. Aussi l'histoire s'approche-t-elle davantage du récit que de la théorie scientifique, elle répertorie des traces, des documents, sachant que l'événement ne peut jamais être totalement reconstituté même par l'un de ses acteurs (cf. le célèbre début de La Chartreuse de Parme de Stendhal où Fabrice del Dongo, acteur de Waterloo ne comprend rien à la bataille qui se déroule sous ses yeux) : l'événement historique est une idée-limite qui ne peut qu'être approchée par les traces (témoignages, documents, ...), jamais atteinte. Et donc rechercher les causes d'un événement en histoire ne signifie pas la même chose qu'en science : la cause, en histoire, ce sont les épisodes qui entourent le moment de surgissement de l'événement. Dans ce contexte, la notion même de "philosophie de l'histoire" est problématique aux yeux de P. Veyne : l'histoire est comparable à la vision que nous avons d'une grande de ville depuis un hublot d'avion - une multitude grouillante d'événements singuliers qui ne peut jamais être recoupée dans une vision globale et précise à la fois. Il n'y a que des vues partielles sur l'histoire et selon des domaines particuliers, des "histoires de... " : histoire de la paysannerie au Moyen-Age, histoire du sport à la fin du 20ème siècle, histoire du droit pendant la Rome antique, etc.

Consultez les archives de ce blog, vous y trouverez une méthodologie que je viens de modifier, et d'autres aperçus, notamment sur l'histoire.

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