La science : compréhension ou domination (utilisation) de la nature?
Spéculation ou technique?
Introduction
Observation courante : l’importance de la science aujourd’hui, comme modèle du savoir rigoureux. En effet, cf. publicités où des “hommes en blanc”, symboles du travailleur scientifique, du chercheur, donnent la caution de la rigueur et de l’efficacité scientifiques à telle marque de lessive ou tel autre produit. De même nombre de savoirs se réclament de la méthode scientifique - psychanalyse, histoire, sociologie voire philosophie (cf. Husserl) : concept ambigu de “sciences humaines”.
Mais d’où vient le prestige de la science? Une réponse : la science donne l’impression d’une pratique fondée sur les “faits”, l’expérience, donc vérifiée objectivement. Alors que philo. par ex. paraît s’égarer sur le chemin de théories invérifiables et variables selon les individus philosophants. Autre réponse : la science donne possibilité de domination effective de la nature, domination qui se manifeste notamment dans le confort matériel accru, l’allongement de l’espérance de vie, le voyage spatial, etc.
Ces lieux communs doivent être questionnés : que signifie qu’une théorie s’appuie sur des faits, quelle procédure du savoir est mise en œuvre ici, et cette procédure garantit-elle la vérité de l’énoncé scientifique? En outre la domination de la nature ratifie-t-elle le pouvoir de vérité de la science, ou confondons-nous science et technique, vérité et exactitude ?
I - La conception commune de la méthode scientifique : l’induction
(Pour toute cette partie, je m’inspire du livre très clair, pédagogique, d’Alan F. Chalmers, Qu’est-ce que la science? au Livre de Poche, Biblio essais.)
A> La méthode et l’origine de l’induction en science
Le lieu commun concernant la science veut que la théorie scientifique ne soit que le résultat de faits, c’est--à-dire d’une série d’observations, d’expériences, pratiquées dans la plus grande diversité de situations possible, à partir de laquelle le chercheur pourrait s’estimer possesseur d’une loi objectivement vraie. Cette conception la plus répandue de la procédure scientifique, nous pouvons l’appeler : inductiviste. L’induction consiste en effet à partir de l’observation de faits empiriques (empirie=expérience), particuliers, pour aboutir par généralisation à une loi. Le sens contraire de la procédure s’appelle, quant à elle, déduction : passage d’une loi à la prédiction d’un fait particulier. Exemple : je chauffe 1000 fois une barre de métal, celle-ci fond à chaque fois à 958 degrés (observation empirique), j’en induis que le métal fond toujours à 958 degrés (loi). Je déduis par ailleurs, et à partir de cette loi, que dans le cas d’un collège muni d’une armature métallique ledit collège s’effondrera quand son armature, dans un hypothétique incendie, aura atteint 958 degrés. La possibilité de la déduction fait en l’occurrence la nature prédictive de la loi scientifique, de la théorie scientifique.
Cette conception inductiviste de la science date selon Alan F. Chalmers des pionniers de la science moderne que furent Galilée et Newton (XVIIème). Comme Francis Bacon, philosophe anglais de la fin XVIème siècle, début XVIIème siècle, ils considèrent qu’il faut consulter la Nature, non pas les écrits d’Aristote ou la Bible pour bâtir un savoir certain, contrairement à la plupart de leurs contemporains. La science, grâce à eux, devient vraiment expérimentale, fondée sur la mesure, et non plus sur des conceptions métaphysiques ou religieuses, invérifiables par définition. C’est donc davantage un changement d’attitude à l’égard de l’observation des faits que les théories de ces grands chercheurs qui modifia la nature même du savoir scientifique et de ses procédures aux alentours du XVIIème siècle.
B> Déficience de la conception inductiviste (la probabilité, le rapport théorie-observation)
Il n’en reste pas moins qu’une conception strictement inductiviste de la science ne peut rendre compte de ses procédures. Quelques remarques simples. Cf. amusante allégorie de Bertrand Russell, philosophe et logicien anglais du XXème siècle : soit une dinde inductiviste ; elle fait une même observation chaque jour à 9 heures et dans la plus grand diversité de situations (il fait chaud, froid, le jour est éclatant, il y a brouillard, etc.), à savoir qu’on la nourrit ; elle en induit la loi selon laquelle elle est et sera toujours nourrie à 9 heures ; mais arrive Noël, et la dinde ne mange plus (devinez pourquoi). Cette allégorie illustre l’idée selon laquelle une observation répétée de faits, une série d’expériences nombreuse, ne suffisent pas à donner lieu à une loi toujours vraie, autrement dit universelle, sans exception possible. L’induction ne peut assurer la vérité universelle de la loi ou théorie scientifique, mais seulement sa probabilité. Mais que représente la probabilité par rapport à la vérité? Le rapport est simple : x/infini, qui tend vers 0 ; entre un nombre fini de prédictions ou de déductions exactes et un nombre infini de prédictions, le rapport est nul. Le pouvoir de vérité d’une théorie probable est nul, il n’y a pas en l’occurrence, à proprement parler, de loi au sens où la loi désigne un énoncé universellement vrai, c’est-à-dire qui est nécessairement vrai, ne souffre aucune exception.
Autre déficience de cette conception commune de la science, le rapport simpliste qu’elle établit entre observation, fait empirique, d’une part, et théorie ou loi d’autre part. Pour les tenants de cette conception (bcp de scientifiques eux-mêmes!), un fait d’observation peut entraîner la réfutation d’une théorie et son abandon, et on n’a pas à s’interroger sur le statut même du fait d’observation. Mais cela ne va pas de soi : qu’est au juste un fait, celui-ci est-il le début d’une théorie, comment se présente-t-il, comment le reconnaît-on, d’où lui reconnaissons-nous de l’ importance au plan du savoir scientifique? Il faut déjà remarquer que l’observation n’est jamais directe : on observe avec son passé, sa culture (aussi bien les connaissances acquises que la civilisation à laquelle on appartient, pour les TL cf. cours sur la perception), ses préjugés... Un exemple repris à un philosophe des sciences par Alan Chalmers illustre bien ce fait. Imaginons un étudiant en médecine qui commence son cursus. On lui montre une radiographie des poumons, il ne voit d’abord que des ombres nuageuses, indifférenciées. Au fur et à mesure des cours, sa perception des poumons s’aiguisera et il finira par voir les poumons distinctement sans pour autant produire d’effort d’observation particulier sur l’instant. Il n’y a donc jamais d’observation directe, l’observation est toujours médiée, travaillée, par la connaissance, c’est-à-dire la théorie. En outre, comme le fait remarquer Pierre Duhem, physicien français du début du XXème siècle, dans La Théorie physique, le scientifique utilisant des instruments complexes comme le microscope ou autres appareils du même genre donne par là son assentiment à des théories préexistantes comme celles de l’optique, la dioptrique, car de tels appareils concrétisent ces théories, les mettent en œuvre, voire doivent être corrigés par elles. Quant à la réfutabilité de la théorie par un fait contradictoire, elle est aussi idéale. André Giordan (chercheur contemporain) dans son Hsitoire de la biologie rappelle qu’une théorie scientifique (il prend l’exemple de la théorie microbienne) peut être contredite par une multiplicté d’observations, de faits, sans pour autant être réfutée et abandonnée : la théorie en question peut recevoir en annexe des hypothèses supplémentaires pour corroborer les faits, pour leur résister. Autre chose que nous rappelle André Giordan : de nombreuses théories ont été établies sans observation ou expérience préalable, par exemple la théorie de la fécondation - Hertwig n’a pu observer de visu la pénétration du gamète mâle, il sera ultérieurement confirmé par Fol qui aura, lui, cette possibilité expérimentale. Inversement, l’observation peut être faite sans délivrer un sens par elle-même : exemple les “animalcules” observés par Leeuwenhoek (fin XVIIème, début XVIIIème) dans une goutte d’eau qui ne reçoivent pas immédiatement d’explication théorique mais sont le sujet de conversation des salons de l’époque. C’est donc bien la théorie qui donne sens au fait d’observation, à l’expérience, le fait est toujours médié par la théorie, il ne vaut rien sans elle. Comme le disait Gaston Bachelard (XXème), philosophe français, il n’y a pas de “fait brut”.
II - La falsifiabilité comme critère de scientificité d’une théorie, le progrès en science
A > La falsifiabilité
Le grand théoricien de la falsifiabilité est Karl Popper, philosophe des sciences (XXème). Son idée centrale est simple : pour être scientifique, une hypothèse doit être falsifiable. Exemples d’énoncés falsifiables : il pleut le mercredi, les corps se dilatent quand ils sont chauffés, ... Exemple d’énoncé non falsifiable : tous les célibataires ne sont pas mariés. Selon Popper, comme nous le disions, c’est dans le cas où l’énoncé est falsifiable qu’il est scientifique, s’il ne l’est pas c’est que le monde pourrait avoir n’importe quelles propriétés sans que l’énoncé - infalsifiable donc - soit modifié. Un énoncé scientifique produit des jugements affirmatifs au sens d’affirmations sur le monde, en tant que tels on peut chercher à les contredire, à les falsifier, pour montrer qu’ils ne corroborent pas les faits observés. Popper, de façon assez polémique, utilise alors ce critère de la falsifiabilité pour récuser la portée scientifique de théories qui se prétendent pourtant vraies : le matérialisme historique de Marx, la psychanalyse freudienne (ou autre d’ailleurs), théories qui, selon Popper, ne donnent pas d’explications rigoureuses de l’histoire ou du comportement humain car ne s’avouant jamais réfutées quelles que soient les contradictions apportées par les faits. Cf. théorie d’Adler, psychanalyste du XXème qui bâtit une théorie sur le complexe d’infériorité comme moteur du comportement humain. L’exemple : soit un homme sur le bord d’un cours d’eau dangereux, qui observe un enfant tombé à l’eau. Deux possibilités : l’homme plonge pour sauver l’enfant ou il reste sur la berge à observer la noyade. Les deux cas sont contradictoires mais aucun des deux n’infirme la théorie d’Adler : dans le premier cas, l’homme se prouve qu’il est assez courageux pour plonger, il vainc son sentiment d’infériorité, dans l’autre cas, il se prouve qu’il est assez courageux pour résister à la tentation de plonger (par froide volonté de survie : mieux vaut un mort que deux), il vainc là aussi son sentiment d’infériorité... L’exemple illustre le fait que la théorie d’Adler est infalsifiable car elle ne nous apprend rien, elle n’a pas de contenu informatif , elle ne change pas d’énoncé quels que soient les faits auxquels elle est confrontée. La théorie adlérienne - telle que caricaturée par Popper - n’a donc rien à voir avec les faits qu’elle est censée expliquer, elle est détachée du monde, pure fiction.
B > Y a-t-il un progrès en science (conjecture et relativisme) ?
Dans cette perspective poppérienne, nous pouvons questionner le concept de progrès scientifique. Il y a bien progrès en science selon le philosophe mais selon des modalités qu’il convient d’apprécier et qui relativisent les prétentions de la science à la vérité définitive dans le jugement de connaissance. La science commence par la prise en compte de problèmes concernant les phénomènes naturels (physiques) ou humains. Des hypothèses falsifiables sont proposées par les chercheurs pour la résolution desdits problèmes. Les hypothèses sont testées, certaines rejetées par l’expérimentation, etc. Les hypothèses qui résistent aux tests sont soumises à des contrôles expérimentaux encore plus sévères, elles forment des théories temporaires. Car l’hypothèse fructueuse sera à son tour falsifiée, la fasification en question posera alors de nouveaux problèmes qui susciteront eux-mêmes de nouvelles hypothèses demandant de nouvelles expérimentations voire de nouveaux modes d’expérimentation, ... Pour Popper et les “falsificationistes”, aucune théorie n’est vraie à proprement parler, la théorie du moment est plus exacte que celle qu’elle a remplacée, elle supporte des tests que n’a pas supportés la théorie précédente. Aussi les théories scientifiques (c’est-à-dire falsifiables) ne sont-elles que conjecturales (hypothétiques), en somme des approches du monde, des approches à l’infini qui ne rejoindront jamais le terme de leur avancée.
Le relativisme en matière de vérité scientifique peut être poussé à son comble avec Paul Feyerabend, autre fameux philosophe des sciences du siècle passé, qui a écrit un ouvrage polémique, Contre la méthode (avec comme sous-titre explicite : Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance). Il considère que les théories scientifiques sont incommensurables les unes aux autres : littéralement, elles ne peuvent être mesurées les unes aux autres ou comparées. On ne peut donc pas comparer la mécanique newtonienne classique à la théorie de la relativité einsteinienne, leurs concepts fondamentaux n’ont aucun point de contact, elles sont comme deux visions du monde sans commune mesure. Ce qui, selon P. Feyerabend, conduit à préférer une théorie à une autre, ce sont des jugements esthétiques, des jugements de goût, religieux, métaphysiques, politiques, etc., en somme des désirs subjectifs. En vertu de cette thèse de l’incommensurabilité des théories scientifiques, la science n’est pas un savoir supérieur en matière de vérité aux autres savoirs comme la magie, la physique aristotélicienne, qui fonctionnent selon d’autres logiques internes incommensurables à la logique scientifique mais qui ont leur pertinence propre. La thèse de Feyerabend est bien sûr excessive, elle vise surtout à bousculer le consensus établi autour de la croyance en une histoire des sciences qui soit histoire du progrès scientifique. Il n’existe pas, selon lui, de méthode apte à saisir un tel progrès, il convient par conséquent de récuser la prétention de la science à l’explication universelle, à la détention exclusive de la vérité de la même manière que l’ont fait nos ancêtres avec la religion : la science ne doit pas devenir (elle l’est déjà quelque peu) le dogme de notre époque.
III - La science et la pensée technique
A > La nature est écrite en langage mathématique
Husserl (maître de Heidegger, XXème siècle) fait l’analyse, dans La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale (on abrévie souvent le titre en Krisis), de l’apparition de la science en Occident, ce que je ne peux reprendre ici en quelques lignes. Retenons quelques traits généraux, à savoir que la Grèce antique avait à sa disposition une géométrie formalisée par Euclide dans ses Eléments au IIIème siècle avant JC, où sont posés les jalons de la géométrie pratiquée jusqu’au lycée aujourd”hui (définition du point, de la surface, théorèmes, etc.). Avec Euclide naît selon Husserl l’idée d’une théorie déductive et unifiée en système, c’est-à-dire un ensemble de rationalité pure. Mais il manque à ce savoir l’idée d’infini. A noter que Platon fait de la géométrie la base du savoir certain : à l’entrée de l’Ecole qu’il dirige, nommée L’Académie, on peut lire le panneau suivant - “Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre”. A mettre en parallèle avec la distinction monde sensible-monde intelligible (ou monde des idées) : l’être géométrique est un premier pas vers l’idée, il ne ressortit pas au monde sensible fluent. Galilée au XVIIème siècle va révolutionner la science en posant que ‘la nature est écrite dans un langage mathématique”, en faisant descendre la géométrie sur terre. La nature se trouve ainsi formalisée, elle devient multiplicité mathématique. Dans le “monde de la vie” (expression husserlienne), la perception ouvre sur un espace de manière incertaine, avec des possibilités de “bougé” (Merleau-Ponty), d’illusion d’optique, etc. Avec l’espace géométrique le monde devient exact, Galilée reprend en effet l’arpentage, la science de la mesure de son époque, dans la perspective d’une exactitude toujours plus grande, d’une vérité objective. La nature peut alors être conçue comme un tout où le lien causal est seul valable et constatable universellement. La méthode scientifique peut ainsi se vouloir “omni-englobante” (Husserl) c’est-à-dire une saisie de la totalité de la nature. Le problème, selon Husserl, est que Galilée confond une hypothèse avec la réalité. Que la nature soit écrite en langage mathématique est une hypothèse. Autrement dit, Galilée confond le vêtement (la mathématisation) et le corps (la nature, le réel). Ainsi, pour Husserl, Galilée est un génie à la fois découvrant et recouvrant : il inaugure la science moderne mais il la conduit sur le chemin de ce que nous appellerons la technoscience.
B > La science dominée par la technique : la technoscience
Selon Husserl, la science mathématisée se vide de son sens originel - comprendre la nature, comme le faisaient les philosophes-scientifiques de l’Antiquité - pour se résumer à une série de formules mathématiques qui fonctonnent, aident à prédire des phénomènes naturels, mais sans pour autant en donner l’explication. Galilée est “coupable” d’avoir confondu possibilité (hypothèse) et exactitude (réalité), il a émis l’hypothèse d’une nature écrite en langage mathématique en oubliant par la suite que la nature n’est pas réellement mathématique (nous nous embarquerions alors dans la thèse métaphysique d’un Dieu mathématicien, etc.). Heidegger ne dit pas autre chose en écrivant, phrase célèbre qui suscitera moult controverses : “La science ne pense pas” (in Qu’appelle-t-on penser notamment). Heidegger ne fait en l’occurrence qu’entériner le divorce entre la philosophie et la science. Le mathématicien, par ex., utilise l’espace mais ne se questionne pas sur l’essence de l’espace, de même l’historien avec le concept d’histoire, etc. La science ne se pose plus la question de l’essence ou de l’être (qui demeure l’apanage de la philo.) : depuis le XVIIème siècle environ, elle est devenue descriptive plus qu’explicative, elle ne cherche plus le pourquoi (contrairement à ce que faisait la Physique d’Aristote par ex.) mais le comment, c’est le sens de la critique de Leibniz à l’encontre de la théorie de la gravitation de Newton - Newton décrit l’attraction de deux masses, mais ne donne pas le pourquoi de cette attraction, ce qui fait dire à Leibniz que la théorie newtonienne est une “hypothèse fainéante”.
Si la science n’explique plus mais décrit ou se contente de prédire c’est parce qu’elle subit la domination de la technique. Cette dernière selon Heidegger n’est pas qu’un ensemble d’instruments, ou une manière de faire (conception instrumentale de la technique), elle est avant tout un mode de pensée qui se déploie depuis Platon comme souci de l’exactitude (orthotès en grec) : le monde des idées est le monde exact auquel le monde sensible doit être référé comme à sa vérité ultime. Mais l’exactitude n’est pas la vérité. L’exactitude n’est qu’un mode de vérité parmi d’autres - on peut penser à la vérité morale, au sens de vivre dans le vrai pas seulement ne jamais mentir (cf. cours sur la morale, cf. le On dans cours sur l’étonnement...), au sensus communis chez Kant (cf. cours sur l’art), etc. Plus précisément, Heidegger reprend l’étymologie grecque de la vérité : alétheïa, que l’on peut découper ainsi : a-létheïa, littéralement : sortie de l’oubli, dé-voilement. La vérité au sens grec est d’abord dévoilement. Mais il y a un type de dévoilement qui est confiance en ce qui se donne à nous, un autre type de dévoilement qui fait violence à ce qui est pour l’utiliser. Le premier type est poétique ou méditatif (chercher le sens de ce qui est mais aussi confier le grain à la terre, le laisser éclore naturellement), le second arraisonne (arrêter un bateau, mais aussi rendre raison, faire rendre raison...) ; ce dernier désigne la pensée technique. Cette pensée est devenue, en l’homme, hégémonique, la pensée méditative s’est, elle, estompée : nous cherchons l’utilisation de tout ce qui est (la nature n’est plus considérée que comme un réservoir d’énergie que l’on somme d’être rentable, les terres sont usées par les engrais toxiques, etc.) au détriment de la compréhension. La science obéit à ce processus qui la dépasse, elle-même, comme le remarque René Thom (mathématicien contemporain éminent) à propos de la mécanique quantique, s’est résignée à n’être qu’efficace au lieu de nous aider à expliquer le monde. Aussi parle-t-on à son propos de “technoscience”.
Cela dit, l’émergence de nouvelles théories à faible pouvoir prédictif mais à vertu explicative certaine pemet de nuancer ce diagnostic pessimiste : cf. théorie du chaos (David Ruelle), théorie des structures dissipatives (Ilya Prigogine), théorie des catastrophes (R. Thom), théortie des fractales (Benoît Mandelbrot)... Nous n’avons pas le temps de les aborder, mais ce n’est que la cerise sur le gâteau.
Conclusion :
Quelques petites choses à retenir : l’induction et sa critique, la dépendance du fait à l’égard de la théorie, la falsifiabilité de la théorie et la problématisation du concept de progrès scientifique, l’avènement d’une science mathématisée avec Galilée, la dépendance de la science à l’égard de la technique avec une éventuelle nuance positive enfin -si on a eu le temps de se pencher sur ce qu’on appelle les théories morphogénétiques (théorie du chaos, etc.).
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